Avec près de 83 000 Portugais, le Val-de-Marne est le premier département historique d’accueil de l’immigration portugaise.
Son histoire laissera de nombreuses traces à la fois dans les mémoires mais aussi sur le territoire.
Les grandes vagues de l’immigration portugaise en France
Durant le 19ème siècle et jusqu’à l’aube de la première guerre mondiale, ce ne sont que quelques groupes de portugais qui se déplacent vers la France pour des raisons plus personnelles comme l’attractivité des connaissances et du savoir ou bien suite à l’exil politique. C’est lors de Première Guerre Mondiale que l’on peut observer des flux plus importants avec une forte immigration de travailleurs (près de 15 000) qui fait suite à l’alliance militaire et à l’accord de main-d’œuvre du Portugal avec la France en 1916. Beaucoup de ces soldats et travailleurs décident de rester en France ce qui conduit à l’immigration de leurs proches. Ainsi, on observe un nombre grandissant de Portugais sur le territoire français soit 10 000 en 1921 et 50 000 en 1930.
Dans le Val-de-Marne et dès les années 1920 et 1930, on retrouve des travailleurs portugais dans le BTP. Les travailleurs portugais étaient surtout recrutés (souvent illégalement) dans les domaines du BTP pour les hommes et dans le service à la personne pour les femmes (bonnes, femmes de ménage et gardiennes d’immeuble). L’immigration était bien souvent réalisée dans des conditions difficiles.
La vague migratoire est composée davantage de travailleurs issus de familles pauvres du centre et du nord du Portugal fuyant la crise économique et la dictature de Salazar instaurée au Portugal entre 1926 et 1974. Cela pousse également à l’opposition démocratique et au départ de nombreux portugais et exilés politiques.
La crise des années 1930 va amener certains Portugais à retourner dans leur pays d’origine mais en 1950 et lors des Trente Glorieuses l’immigration va atteindre un essor maximal avec 300 000 et près de 750 000 immigrés portugais en 1975. Par la suite, le nombre va stabiliser puis diminuer en raison d’une limitation de l’immigration installée par la France qui se traduit par une fermeture des frontières pour faire face à la récession économique.
Dans le Val-de-Marne, à Villiers-sur-Marne, une association portugaise qui s’occupe de la mémoire des Portugais pendant la guerre de 1914-1918, a fait ériger une tombe symbolique dans le carré militaire rappelant la présence des soldats portugais au côté des soldats français dans les tranchées du Pas-de-Calais. Tous les ans cette association organise une commémoration au cimetière militaire portugais.
Le bidonville de Champigny et l’accueil des immigrés
Dans ces conditions délicates nait le plus grand bidonville de France voire d’Europe, celui de Champigny-sur-Marne. Les premiers Portugais s’installent à Champigny en 1956 par manque de moyens mis en place par la France pour les loger. Ils créent ainsi un espace de près de 45 hectares qui logera entre 12 000 et 15 000 portugais. Il sera détruit en 1972-73.
Vers 1960, des catholiques décident de se tourner vers les immigrés et fondent en 1965 dans le Val-de-Marne le mensuel « Présence portugaise » (Presença portuguesa) se composant de militants catholiques portugais (opposants à la dictature et exilés en France) et de catholiques français, sous l’égide des autorités officielles de l’Église catholique pour l’ensemble de la région parisienne. Certaines associations naissent également pour soutenir et proposer de l’aide aux Portugais du bidonville, notamment pour apprendre la culture et la langue française. Parmi elles on retient ATD Quart Monde ou encore les Associations de solidarité avec les travailleurs immigrés.
Dans les années 1970 et suite à la dictature de Salazar, un nouvel accord de mains d’œuvre est signé entre le Portugal et la France mais ce dernier restreint l’immigration peu de temps après. Le gouvernement portugais décide d’ouvrir des consulats en France et notamment celui de Nogent-sur-Marne (aujourd’hui fermé) dans le but de gérer les émigrés. A la fin de la dictature, certains décident de rentrer « au pays » et d’autres de rester en France, là où leur vie s’est construite depuis plusieurs années.
Malgré l’intégration du Portugal dans la CEE en 1986, un certain nombre de travailleurs portugais,, notamment du BTP, ne disposant pas de carte de séjour, travaillent dans des conditions dites illégales et sans papiers ce qui marquera les esprits. Ce n’est qu’en 1992, avec les accords européens de la libre circulation des personnes que la situation se régularisera.
Aujourd’hui, pour marquer ce lieu de mémoire, un monument avec une plaque a été érigé en 2016 à l’emplacement de l’ancien bidonville portugais sur le Parc du Plateau. Il a été inauguré par l’ambassadeur du Portugal, le maire de Champigny et le maire de la commune portugaise avec laquelle Champigny s’est jumelée à cette occasion.
José Lebre crée une association dans le but de se retrouver entre Portugais et de partager. Un groupe de Portugais travaillant dans une usine à Saint Maur décide en 1966 de créer l’« Union Sportive des Lusitanos » afin de se distraire davantage. C’était un début un simple club de collègues et amis mais plus le temps passe et plus il acquiert une notoriété grandissante. Ainsi, ils entrèrent en compétitions et recrutèrent même des joueurs non portugais. Suite à l’arrivée du président Armand Lopes, en 1975, les Lusitanos grimpent en division supérieure. Aujourd’hui encore, notamment avec le nouveau président Arthur Machado, l’équipe porte fièrement le drapeau portugais mais surtout l’image du Val-De-Marne.
La plus grande communauté portugaise de France
La situation des années 1980 conduit le gouvernement français à favoriser l’expression de l’immigration à travers des nouvelles infrastructures comme la radio. La radio des Portugais, toujours existante depuis 25 ans aujourd’hui, va émettre à Valenton dans le Val-de-Marne. Radio Alfa présente sur la bande FM 98.6 fait vivre la culture portugaise dans le département et compte plus d’un million d’auditeurs par an. Son détenteur Monsieur Armand Lopes est également président du club l’US Créteil-Lusitanos, club de football qui naît des initiatives croissantes.
De nos jours la culture portugaise vit toujours dans le Val-de-Marne, pour exemple la Fête des Saints-Populaires est organisée tous les ans et ce depuis 1989 par Radio Alfa, à Créteil. Cette fête, qui réunit tous les habitants de Lisbonne dans les rues de la ville chaque année, rassemble également près de 30 000 personnes sur l’Ile des loisirs de Créteil à l’occasion du grand festival organisé par Radio Alpha.
Dans le même élan, les festivités ne s’arrêtent pas à un évènement par an, dans le Val-de-Marne on retrouve de nombreuses discothèques portugaises, lieu de rendez-vous de cette communauté rythmée. La plus emblématique depuis 25 ans est La Costa do Sol à Villeneuve-Saint-Georges suivi par le Fish Club à Chennevières, Lua Vista à La Queue-en-Brie ou le Foz Club à Créteil.
Des commerces de la communauté portugaise sont également présents tel que CandiEuropa à Champigny tenu par un ancien habitant du bidonville et précurseur de la vente des produits du pays dans la région : Fernando Candido. Les Halles du Portugal à Choisy suivent le même chemin et connaissent un franc succès sur la vente de produits typiques comme la « bacalhau » (morue) ou encore des « pasteis de nata » (pâtisserie traditionnelle). Les marchés régionaux proposent également de nombreux produits comme celui de Villiers-sur-Marne.
Le 25 avril 2016 à Fontenay-sous-Bois dans le Val-de-Marne, un monument a été érigé en l’honneur des nombreux exilés politiques venant du monde et notamment portugais accueilli à Fontenay-sous-Bois dans un foyer géré par plusieurs associations humanitaires. L’association portugaise de Fontenay-sous-Bois a obtenu l’appui de la ville pour sa mise en place sur un des ronds-points de la ville. Il rend de plus hommage à la liberté retrouvée au Portugal le 25 avril 1974, et tous les ans, s’y déroule un défilé aux flambeaux qui associe l’association portugaise, des représentants des autorités portugaises en France et des responsables de la municipalité.