Olivier Maître-Allain est un amoureux du patrimoine et des bords de Marne. Ancien directeur du musée de Nogent-sur-Marne, il retrace pour nous l’historique et nous offre sa vision de l’évolution des bords de Marne et des futurs projets de valorisation du territoire.
Olivier Maître-Allain est avant tout un grand amoureux des bords de Marne ainsi que du Val-de-Marne. Il est également l’ancien directeur du musée de Nogent-sur-Marne.
On mesure à quel point vous êtes attaché à la ville de Nogent-sur-Marne et aux bords de Marne. Quelles sont leurs spécificités touristiques ?
Fier d’être nogentais, j’ai la chance d’avoir pratiquement toujours habité cette ville et d’y avoir exercé mon activité professionnelle. Nogent-sur-Marne possède un passeport remarquable au sein de la francophonie grâce à la chanson « Le petit vin blanc ». Elle confère à la ville une notoriété internationale. Nichée entre les bords de la Marne et le bois de Vincennes, la ville bénéficie d’une identité particulière qui fait son charme : son offre culturelle et événementielle, ses restaurants, l’ambiance « village » de son centre-ville à taille humaine ou encore l’esprit des Dimanches au bord de l’eau qui y règne toujours en font un environnement unique en son genre. L’architecture y tient aussi une place importante et on peut y admirer de très belles maisons Art Deco et Art Nouveau. On retrouve d’ailleurs cette architecture Art Deco sur la façade du cinéma Royal Palace inscrit dans l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. La ville a bénéficié également du statut de « ville touristique ». Elle a récemment été labellisée « station nautique », ce qui contribue à sa bonne renommée et à son attractivité.
Nogent-sur-Marne possède une identité très forte liée aux bords de Marne et aux guinguettes qui font que la ville est passée dans la mémoire collective. La Marne est emblématique de l’Est parisien. Elle est l’identité de ce territoire sur lequel elle est omniprésente de par son tracé. Cela oblige d’ailleurs à souvent franchir le fleuve dans les déplacements quotidiens. Les bords de Marne constituent l’un des atouts touristiques majeurs du Val-de-Marne. Ils sont un vrai trésor naturel à seulement quelques kilomètres de Paris. La faune est exceptionnelle tout comme la flore. Cependant, il ne faut pas oublier les autres secteurs du territoire, très variés. Vitry-sur-Seine et ses fresques Street Art, les espaces boisés du sud-est du département mais aussi les entreprises qui ouvrent leurs portes aux curieux lors de visites : c’est toute cette diversité qui rend le Val-de-Marne si attachant à mes yeux.
Quelle a été l’histoire du développement des bords de Marne ?
Notre rapport avec la rivière a radicalement changé. La Marne et la Seine ont joué autrefois un rôle majeur pour l’acheminement des marchandises. L’industrie s’est davantage développée sur les bords de Seine que sur la Marne car cette dernière est plus difficilement navigable avec ses nombreux méandres. La Marne s’est ensuite urbanisée et a connu un usage ludique et sportif, tout comme en Grande-Bretagne à partir des années 1820-1830. Le canotage s’est d’abord répandu sur la Seine puis sur les bords de Marne. À partir de cet instant se sont développées les Sociétés nautiques qui existent toujours aujourd’hui. Elles constituent d’ailleurs un véritable vivier de champions de haut niveau : plusieurs médaillés olympiques y ont fait leur apprentissage. La personne qui m’a appris à pagayer sur la Marne est aujourd’hui responsable du matériel de l’équipe de France de canoë-kayak. C’est dire !
Dans un second temps, l’avènement du chemin de fer dans les années 1830 a permis le développement des loisirs et avec eux, la création de guinguettes, lieux festifs par excellence intimement liés au territoire. Les bords de Marne ont ensuite connu leur âge d’or au début du 20e siècle. À cette époque, les Parisiens bénéficient d’une unique journée de repos hebdomadaire et rejoignent les bords de Marne qui proposent une offre de loisirs complète. On y venait pour danser, pour manger mais aussi pour chanter notamment dans les guinguettes. Cette période préfigurait les loisirs de l’ère industrielle. Un changement s’est opéré dans les années 50. Petit à petit, l’offre de loisirs s’est amenuisée avec l’interdiction de la baignade dans la Marne et la Seine. La démocratisation de l’automobile a aussi permis aux Parisiens de couvrir une plus grande distance pour leurs loisirs, ce qui a eu un impact sur la fréquentation des bords de Marne.
Quel regard portez-vous sur leur évolution ces trente dernières années ?
Aujourd’hui, un parfum de nostalgie flotte parfois parmi ceux qui se rappellent la Belle Epoque mais je pense que l’esprit originel des bords de Marne reste intact. Cette ambiance perdure notamment grâce aux guinguettes toujours présentes. Prenez l’exemple de la Guinguette de l’île du Martin-Pêcheur à Champigny-sur-Marne : à 10 kilomètres de Paris, elle est au cœur d’un site remarquable, sur une île en pleine ville, et est entourée d’une faune extraordinaire dont fait partie le Martin-Pêcheur d’Europe. Même si les guinguettes sont apparues sur les bords de Seine dans un premier temps, l’identité des bords de Marne est indissociable de ces établissements. Ce succès populaire a été amplifié par des chansons iconiques (« Ah ! Le petit vin blanc », « À Joinville-le-Pont ») et des films comme « La Belle Equipe » qui ont, depuis, intégré la mémoire collective.
Nous travaillons, depuis les années 1990, au développement du tourisme de proximité et avons entamé une réflexion autour de l’appropriation du territoire par ses habitants, un volet qui me tient particulièrement à cœur. Nous envisageons aujourd’hui l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication pour proposer des visites de la ville sous un angle nouveau. Enfin, et en tant qu’amoureux du territoire, ma plus grande fierté aura été de faire découvrir et de sensibiliser les publics scolaires lorsque j’étais directeur du musée de Nogent. Je suis heureux d’avoir ainsi pu participer à la formation des visiteurs des musées de demain.
Que pensez-vous du projet d’Itinéraire Culturel Européen pour valoriser les bords de Marne et de sa dimension coopérative ?
Le rôle du Comité Départemental du Tourisme du Val-de-Marne me semble fondamental dans le développement de projets d’appropriation du territoire par les habitants. L’Itinéraire Culturel Européen est donc une excellente idée car toute labellisation des bords de Marne, mais aussi de l’Est parisien, est intéressante. Sa dimension d’échange est formidable. Je pense que cette dimension est d’autant plus importante que l’avenir du développement touristique en Val-de-Marne passera par les expériences, celles d’habitants et de personnes faisant découvrir leur vie, une activité ou un site à des visiteurs d’un jour. Par exemple, l’une des réalisations concrètes d’appropriation du territoire est l’existence des Passeurs de rive. Ils offrent une autre perspective sur la ville et ses alentours et permettent aux habitants de s’approprier la rivière.
Propos recueillis par Alexis Bertrand le 13/02/18 pour Val de Marne Tourisme et Loisirs
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