L’équipe de Val-de-Marne Tourisme & Loisirs a souhaité recueillir des témoignages de ses partenaires pendant la période de confinement, à l’arrivée de la crise sanitaire du coronavirus. Découvrez le récit du confinement, les actions menées et à venir, à l’association La Cour Cyclette située à Alfortville (94).

Qu’est ce que la Cour Cyclette et quelles étaient vos missions avant la crise ?

Le projet de l’association la Cour Cyclette se construit depuis 3 ans en démontrant qu’il y a une capacité citoyenne de mettre en oeuvre des solutions locales pour faire face à une crise bicéphale : crise climatique & crise sociale.

Plus concrètement, avant la crise du COVID 19, nous proposions des activités permettant de radicalement changer nos habitudes de transport grâce au déplacement à vélo et à la logistique urbaine à vélo et nos habitudes alimentaires grâce aux circuits courts et aux procédés zéro-déchet.

Comment votre activité a-t-elle été impactée par la crise sanitaire ?

A la survenance de la crise, nous nous sommes rendu compte que ces 2 thématiques s’imposaient à tous comme des réponses à la fois intelligentes et socialement attrayantes. Sans toutefois trouver dans un premier temps un débouché économique faute de processus adéquat (notamment faire face à l’impossibilité de réunir les publics), nous avons pu réorienter de manière pragmatique nos activités pour rester présents dans la crise, notamment par des actions de solidarité.

Nous serions présomptueux de dire que nous avions anticipé la crise sanitaire. En revanche, nous étions préparés à gérer l’urgence car nos thématiques quotidiennes se fondent sur une philosophie sociale d’auto-organisation, d’auto-suffisance, de consommation essentielle et de rapport conscient à notre environnement qui ne peut être un extérieur à nous-mêmes. Plus simplement dit, nous sommes pleinement conscients qu’il est temps d’arrêter de prétendre soumettre la nature à notre service et militons pour que nos activités humaines minimisent l’utilisation des ressources, qu’elles soient énergie, matière et même travail, ce que l’on peut résumer par une intention forte de lutter contre le gaspillage sous toutes ses formes.

Quelles pratiques d’entraide avez-vous pu mettre en place pendant le confinement ?

Nous avons dans un premier temps proposé notre parc de vélos aux soignants et aidants sous forme de prêt. Au-delà de faciliter leurs déplacements dans une période où ils ont été sous pression, le vélo a été un moyen pour ceux et celles qui ne travaillaient pas trop loin de leur domicile de décompresser le temps d’un trajet d’une trentaine de minutes, et alors que la météo était très agréable en ce début de printemps et les axes peu encombrés.

garage vélo cour cyclette

Ceci nous a conduit à ré-ouvrir quelques jours par semaine notre atelier de réparation et de fonctionner avec un dispositif de rendez-vous, et ainsi garder l’indispensable lien social au sein de notre équipe qui nous a permis d’élaborer pendant ce quelques semaines ce qui pourrait être l’évolution de nos activités pendant le déconfinement et « après ».

Sur le plan de nos activités de restauration, nous étions contraints d’arrêter nos activités cantine associative et traiteur qui étaient en forte croissance. Mais notre expertise dans les circuits courts s’est avérée très utile. Nous avons réorienté les « petits marchés bio », dont le principe était d’organiser au coeur de la cité des ventes de fruits et légumes bio direct producteur, en impliquant les citoyens bénévoles pour la logistique.

En solidarité avec le maraîcher qui n’avait plus le débouché des marchés et avec la grande adhésion et coopération des bénéficiaires (les familles d’Alfortville en manque de légumes frais et pouvant difficilement faire leurs courses), nous avons rapidement mis en place une boutique en ligne permettant de passer commande de paniers garnis constitués par le maraîcher avec l’appui de son réseau local à prix raisonnable et organiser des distributions, soit en point retrait à la Cour Cyclette, soit livrés avec notre vélo triporteur vers des points de « dispatch » (en fait les jardins ou cour d’immeuble de particuliers volontaires pour accueillir les paniers de leurs voisins l’espace d’une demi-heure).

Une belle expérience ayant fédéré environ 300 familles autour d’un concept de résilience alimentaire. Nous avons mis parallèlement en place des dispositifs de cagnottes pour collecter de quoi préparer des paniers de fruits pour les soignants que nous avons acheminé vers les hôpitaux du Val de Marne.

Quels ont été les défis de la mise en place de cette entraide ?

Pour toutes ces activités, nous avons tout de suite intégré deux dimensions :

1) l’importance que la poursuite des échanges sociaux se fasse de manière sécurisée tant pour les personnes qui produisent les services que pour les bénéficiaires. Toujours poussés par notre intuition que le questionnement, la réflexion collective et l’auto-organisation peuvent résoudre d’immenses défis, nous avons eu l’idée dès les premiers jours du confinement, de créer une instance citoyenne, sous forme d’un conseil d’accompagnement sanitaire formé de personnes de la société civile « autour de nous » capables par leur intelligence collective de sécuriser les processus d’activités.

Nous avons ainsi sollicité l’UPEC, qui compte de nombreux alfortvillais parmi son personnel et ses étudiants, nos adhérents, nos partenaires et nos bénéficiaires et avons constitué un petit groupe formé d’un médecin, d’un chercheur en neurosciences, d’un chercheur spécialiste du climat, d’une étudiante en français langue étrangère et qui a été anesthésiste dans des hôpitaux de Pékin pendant de nombreuses années, d’un membre du conseil citoyen d’Alfortville ou encore d’une professionnelle de la logistique.

Ce nouveau comité a pu valider nos modes d’intervention, les gestes barrière adaptés, les précautions de bon sens. Nous avons l’intuition que ce conseil peut avoir une vocation durable pour accompagner la Cour Cyclette dans son projet d’innovation environnementale et sociale.

distribution alimentaire cour cyclette

2) le réveil de l’intelligence sociale en temps de crise. Alors que les structures de l’ESS ont du mal en temps ordinaire à solliciter les bénévoles et l’implication des publics tant notre société est conditionnée par des comportements consuméristes, les réflexes de solidarité, d’entraide, de compréhension des mécanismes d’échanges interpersonnels ont pris le dessus et ont permis de mobiliser les énergies nécessaires à la réalisation des activités citoyennes et auto-organisées pendant le confinement. Des réseaux citoyens ont été créés pendant la crise où le temps a été suspendu, où chacun et chacune d’entre nous a pu transformer en réflexe solidaire un état de colère face à un système où l’humanité perd la maîtrise de sa survie. La difficulté maintenant est de maintenir ces réseaux actifs et de les sécuriser pour construire le monde de demain.

Est-ce à votre avis cette crise aura un impact plus profond sur les attentes liées aux activités de tourisme et loisirs ?

La crise du COVID 19 a été pour nous riche d’enseignement et nous amène à faire évoluer nos propositions de services relevant le défi de la transition écologique. Cela consiste à participer à des actions telles :

  • Faire évoluer l’espace partagé pour y développer de nouveaux usages dans un esprit de frugalité, d’aération environnementale; autrement dit intégrer une dimension urbanistique dans nos projets.
  • Favoriser l’implication collective pour réduire une consommation et des gestes non essentiels et générateurs de pollution, c’est-à-dire miser sur les coopérations des publics dans les services proposés.

Seule cette stratégie conduira à ce que les nouvelles normes de sûreté sanitaire ne se traduisent pas par une dégradation du lien social et de la qualité de vie, sous l’effet d’un environnement de contrôle pesant et favorisant la distanciation sociale au delà de la distanciation physique.

velo seine cour cyclette

Concrètement, cela permettra à la Cour Cyclette de réajuster son modèle économique post crise en déployant ses activités de prédilection : vélo, logistique urbaine et circuits courts alimentaires dans l’espace urbain partagé comme la rue, les parvis, les places qu’on espère après cette crise plus ouverts aux activités douces, plus en prise avec la nature et plus adaptés aux défis climatiques.

Autre chose, nous avons cette obsession que nos activités bénéficient en premier lieu aux univers injustement pénalisés par la crise sanitaire : les lieux de culture, les quartiers populaires.

Propos recueillis par Francesco Staro en mai 2020 pour Val-de-Marne Tourisme & Loisirs.

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